L’intimité est une affaire de toucher
Le saviez-vous ? Nous parlons en métaphores afin de mieux comprendre les concepts abstraits pour l’esprit. Tout notre langage est gouverné par l’usage de la métaphore ; celle-ci se manifeste par image (ou figure) par la pensée.
Dans nos relations, la métaphore est également présente, particulièrement dans nos interactions. La première relation que nous construisons est celle mère-enfant, grâce à laquelle nous développons l’intimité. Il s’agit là d’une métaphore primaire laquelle s’engramme dans la mémoire, en résonance avec l’expérience corporelle du toucher (Kovëcses, 2004 ; 2010). L’expérience peau contre peau permet ainsi de créer et de considérer une relation affective. Ainsi, conceptuellement, au cours de l’enfance, il se dessine dans l’esprit une association ancrée entre la proximité physique, l’intimité, et les états émotionnels, lesquels sont tributaires de la relation affective avec autrui. Ces trois concepts sont entremêlés.
En somme, métaphoriquement, puis du point de vue cognitif : l’intimité est une proximité physique. À titre d’exemple, on se dit « proche » de quelqu’un pour exprimer la bonne entente, voire « je l’ai dans la peau », qui signifie être fusionnel avec quelqu’un. Nous pouvons même « marcher main dans la main », pour signifier la complémentarité, ou la solidarité. Cela s’explique par le fait que la peau agit comme une interface de contact entre soi, et le monde extérieur : les concepts de proximité et d’intimité sont donc incarnés -ancrés dans le corps- (Kovëcses, 2010 : 7-8). C’est ainsi que l’on rappelle toujours à l’autre de « rester en contact », pour conserver des liens relationnels.
De ce fait, dans l’activité relationnelle, là où les émotions ont leur libre place, la langue rend compte de cette conception primaire du toucher. Par exemple, l’on parle en terme de toucher pour exprimer un un état émotionnel, lorsque autrui est la cause exogène (i.e., extérieure) de l’émotion : « cela m’a beaucoup touché son histoire ».
Notons également que dans les expressions linguistiques, le sujet-parlant (i.e., le locuteur, celui qui expérimente l’émotion) est de même conceptualisé comme un objet (fragile, manipulable, brisable, morcelable, sécable etc.). En effet, lorsque je dis « je suis abattue », « il m’a cassé le moral », le sujet-parlant est un objet. De même dans « elle m’a manipulé ».
Au niveau de l’intensivité expressive du sens, l’on parle en termes de « choc », il n’est donc plus question de simple toucher, mais bien de contact physique plus ou moins violent (« il m’a heurté »). C’est-à-dire que plus le contact physique est intense, plus l’émotion est vécue comme brutale.
Pareillement, pour exprimer une douleur morale, l’on utilise la douleur physique (« j’ai mal au cœur », « elle en a plein le dos »). Par ailleurs, le mot « blessure » convient à la fois au contexte proprement physique, mais aussi à la dimension psychologique.
Il existe donc tout un réseau métaphorique relié au concept du TOUCHER, qui gouverne nombre expressions métaphoriques. Ces expressions prennent pour référence notre expérience corporelle, et se développent pendant l’enfance.
Cela témoigne de notre rapport aux autres, et de la dynamique des relations affectives toujours déjà perçues comme une affaire de « contact » par l’esprit.
Nora Isis©️
(Psycholinguiste)
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