Et si nous réinventions notre rapport à l'échec ? • Comprendre le lien entre langue et rapport au monde

 







ET SI NOUS RÉINVENTIONS NOTRE RAPPORT À L'ÉCHEC ?

Étude psychosociolinguistique.


Comprendre dans quelle.s mesure.s la langue française et les conditions sociohistoriques en Occident conditionnent notre rapport à l'échec.


          Au sein de nos sociétés occidentales, fières héritières de la 《course au progrès》, depuis la Révolution Industrielle et les multiples inventions techniques, la réussite va de pair avec effort. Alors que l'on valorise la réussite au détriment de l'apprentissage, l'échec prend une place plus que mauvaise. Suscitant souvent la crainte et l'hostilité.


      L'échec a pris une connotation péjorative ; l'on remarque par ailleurs cette distinction linguistique, antonymique avec le couple échec - réussite. Aussi, la langue apporte un éclairage quant à notre rapport à l'échec. En effet, si nous lions immédiatement échec et réussite, jusqu'à les opposer, alors nous construisons inéluctablement une représentation manichéenne : il y aurait alors un point en bas, et un point en haut. Or, l'échec constitue l'apprentissage, et la réussite implique toujours l'erreur.

Qui plus est, nous avons une représentation verticale, ascendante de la réussite (à l'image d'une courbe en asymptote), toujours plus idéaliste. Cela signifierait-il que réussir, c'est tenir sa place 《en haut》, ou toucher le sommet ? C'est bien l'image que nous nous en faisons généralement. Et l'échec ? 

Sans oublier que, dans nos sociétés occidentales (qui prônent l'économie, le progrès), la production est une valeur valorisée, et corrode malheureusement les valeurs humaines (se reposer est alors signe de faiblesse ou de feignantisme, l'arrêt de travail témoigne de l'infirmité ect.) Il faut donc toujours produire, et encore. Si bien que si l'on échoue, cela implique une faille dans l'engrenage. Freiner la progression nuit la réussite : échouer, c'est retarder sa réussite, c'est chuter. 

Nous avons donc toujours déjà un rapport linguistique affectif à l'échec. L'échec est vu comme un vice de la réussite. Cela engage par la suite le manque de confiance en soi, développe le sentiment de compétitivité et de dévalorisation entre les élèves à l'école par exemple. Mais alors, comment remédier à cette représentation erronée ? 


      Si nous avons travesti l'échec avec des valeurs morales, c'est bien aussi dû à l'héritage de la pensée chrétienne, avec la conception binaire du Bien et du Mal. Par ailleurs, Nietzsche affirme que la morale traditionnelle repose sur cette dichotomie de Bien et de Mal : et que le bien est associé à l'obéissance et à l'humilité, et le mal est associé à des vices comme la désobéissance ou l'égoïsme. 

En d'autre termes, si nous recontextualisons : une société de culture économique implique une machinerie toujours en action. La réussite devient alors la norme. Une norme reconnue, intégrée, et valorisée dans toutes les institutions comme l'École par exemple. Alors, si nous ne répondons pas à cette norme, nous sommes dans l'échec, dans le Mal. 


   - Redéfinir, c'est aussi reconstituer notre réalité mentale.


     De surcroît, il est intéressant d'étudier notre rapport sémantique (du point de vue du sens), aux termes suivants : erreur, échec, faute. Il est une fréquente confusion sémantique collective. En effet, des didacticiens ont cherché à contextualiser et redéfinir le statut de l'erreur, et de l'échec, tout en apportant un éclairage étymologie du terme faute. La faute, est utilisée à tort dans maintes situations, par exemple la "faute" d'orthographe, "tu as fait une faute". Le terme faute porte cependant une connotation éthique. Elle fait référence à une atteinte à la morale. Ainsi, une "faute" et "péché" vont sémantiquement de paire. Néanmoins, le terme "erreur" implique simplement un vice de raisonnement, ou un manque de compréhension, seulement, il n'est aucunement de connotation axiologique, ou morale. Ainsi, écrire "animall" est une erreur d'orthographe, et tromper son partenaire constitue une faute. Pour l'échec, c'est la même chose. Aussi, nous associons et mélangeons morale et éthique, à un fait naturellement humain : échouer, se tromper. Cette association d'idée et conceptuelle entre morale et langue (entre valeur morale et "échec") conditionne immédiatement notre rapport à l'échec qui est perçu comme une désobéissance à la morale, à ce qui est "bon" et "juste" de faire, ou d'être (bien que le "faire" soit survalorisé). il s'agit d'une faute morale, et donc punissable. Cela expliquerait en partie, pourquoi l'《échec scolaire》 est si mal perçu, par exemple.


        Par ailleurs, la langue révèle également cette importance accordée à la réussite et à sa valorisation. Par exemple, il est bien question de "réussir" sa vie. Par "réussir sa vie", on entend mener sa vie à bien. Il est notamment une dimension de reconnaissance et de crédit social. En étudiant les définitions de "réussite", l'on remarque cette dimension de valorisation, et de succès social. In Larousse, l'on peut lire pour "réussir" :

1. En parlant d’une personne. Connaître le succès dans ce qu’on entreprend. 

Ex : Réussir dans sa carrière. Réussir socialement. Réussir en politique. Réussir auprès des femmes. 

2. Parvenir à une position sociale reconnue ou enviable, notamment à l’aisance matérielle. Tout mettre en œuvre pour réussir. Une femme d’affaires qui a réussi. (choses).

Chez Le Petit Robert, nous retrouvons :

1. Avoir une heureuse issue, un bon résultat, du succès. La tentative a réussi.

Réussir à qqn : avoir (pour lui) d'heureux résultats. Ex : 《Tout lui réussit》

C'est-à-dire que plus on réussit, plus nous sommes reconnus socialement. La réussite implique donc le crédit social : si je ne réussis pas, cela signifie que je n'existe pas, ou que je ne "vaux" rien. 

Cela est d'ailleurs intégré comme une forme d'injonction. Mais en soi, qu'est-ce-que cela signifie ? Nous écartons souvent tout ce que "réussir" implique.


        L'échec (et/ou l'erreur) constitue.nt le fondement de la réussite (cf Lao Tseu). Il n'est guère de réussite sans erreur. Et, afin de s'affranchir de cette représentation étriquée de l'échec, il convient de se rappeler que nous ne sommes pas des systèmes robotisés et computationnels. La réussite n'est en soi pas une courbe en constante progression, comme l'image que nous en avons. Et il n'est d'ailleurs ni point de départ, ni point d'arrivée. Marquillo Larruy, didacticien, nous affirme que : 《L' erreur est un repère dans l'itinéraire de l'apprentissage》. Cela indique que la réussite se compose d'instances dans lesquelles nous retrouvons face à des écueils, des incompréhensions. L'échec (l'erreur) n'est pas une fin en soi, bien au contraire : elle devient un repère pour toujours s'améliorer. L'apprentissage prévaut donc sur cette "réussite" tant adorée. Par ailleurs, la locution "on apprend toujours de nos erreurs" témoigne de cette importance de l'échec/erreur dans notre parcours. 


Bibliographie :


- Le Petit Robert 

-https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9R2337

- La Fabrique du Crétin, Ou la mort programmée de l'école, Jean-Paul Brighelli , Paru en août 2005, édition Jean Claufe Gawsewitch, Essai (broché).

- Martine Marquilló Larruy, L’interprétation de l’erreur

CLE International, 2003, 

- La généalogie de la Morale (3e édition) / Frédéric Nietzsche ; traduit par Henri Albert Nietzsche, Friedrich (1844-1900).


Nora Drevon Rey

Université Paul Valéry III

Département d'études néo-helléniques.

Étudiante-chercheur en psychosociolinguistique.

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