Dis-moi, pourquoi ne suis-je pas comme les autres ?
- Dis-moi grand-père, pourquoi me sens-je si différent des autres, je me sens comme étranger., demanda un jeune garçon.
- Tout le monde se sent différent, c'est propre à chacun. Peux-tu m'en dire plus sur ce sentiment d'étrangeté ?, répondit le vieil homme.
- Et bien, je ne me retrouve pas dans les autres, je suis si différent, j'ai l'impression de ne pas penser comme les autres, de ne pas ressentir comme les autres, enfin...Tu comprends ? Je ne suis pas comme les autres., fit le garçon, dans un souffle peiné.
- Et donc ? Nous sommes tous différents, et chaque différence entre toi et un autre fait de toi un être unique, et en cela, absolument parfait., reprit le grand-père, en posant sa main sur l'épaule de son petit-fils.
- Mais pourquoi je ne me sens pas comme les autres ?, lança le jeune.
- Ne parlerais-tu pas d'une difficulté à trouver et prendre ta place et à être qui tu es ?
- Je n'en sais rien, tout ce que je sais c'est que je ressens une solitude et pourtant...J'aimerais me sentir normal, comme les autres., Dit le garçon, les yeux pensifs.
- Là n'est pas la question, ce qu'il est meilleur de te dire c'est pourquoi ne cherches-tu pas à être tel que tu es ?, s'étonna son aîné.
-...
Le grand-père tourna la tête et vit l'enfant le regard perdu. Il lui souffla :
- Tu vois, l'autre est toujours déjà un miroir pour soi-même, pour apprendre à se regarder, à s'observer. L'on ne peut devenir ou être comme les autres, cela est impossible.
- Et ce sentiment d'étrangeté ?, demanda le petit.
- Et bien ce sentiment d'étrangeté vient simplement du fond de ton cœur, qui te demande de t'entourer de douceur. Celui qui s'accepte tel qu'il est n'est plus un étranger pour lui-même. Alors, tout proche de lui, il devient plus proche des autres., répondit l'homme calmement.
- Je ne comprends donc pas pourquoi je veux ressembler aux autres, ou être comme les autres.
- L'on voit toujours ce que l'on veut voir, chez les autres. Tiens, quand un élève se compare à un de ses camarades, il ne voit que le meilleur chez lui. Il finit souvent par l'envier pour ses capacités, ou pour ce qu'il est, sans voir qui est cet autre, dans son intégralité., expliqua le vieil homme.
- Si je désire chez l'autre ce que je veux pour moi, comment se défaire de ce besoin d'être comme les autres ?, grommela son petit-fils, en croisant les bras.
- Il y en a assez pour tous. Lorsque l'on regarde en l'autre, il faut se souvenir que c'est un regard en soi.
- Mais qui sont les "autres" alors, pour toi ?
- Des êtres, tout comme moi, qui se posent, par ailleurs, sûrement la même question que toi., murmura le grand-père. Il rit et son regard se perdit dans le vague. Et nous sommes tous cet "autre" pour quelqu'un., reprit-il. L'autre est simplement un "moi" à l'extérieur, paradoxalement pas si différent que l'on ne le croit.
Il y eu un silence bref. Le papi prit un temps avant de lui dire :
- Tu sais, l'on veut être comme les autres quand l'on ne parvient pas encore à "être soi". L'on recherche à se fondre dans la foule, sans se distinguer, mais cela signifierait aussi s'effacer.
Être étranger au monde, c'est comme si l'on ne s'était pas encore pleinement incarné. Tout le long de ta vie, "être soi" sera un grand voyage, jamais défini, jamais permanent.
- Et toi grand-père, tu te sens différent ?, fit le petit garçon l'air curieux.
- Bien sûr, et j'ai longuement appris à m'aimer ainsi. Ce sont ces différences infimes qui font de moi qui je suis, un être particulier et singulier. Puis, même une fois adulte, tu te découvriras encore de jour en jour. Et tu finiras par comprendre qui est cet autre, en face de toi.
Nora Isis©️
Livre :
La Rivière - Recueil de poèmes en vers et en prose.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Les commentaires irrespectueux ne seront acceptés.